J.O. Numéro 136 du 14 Juin 1998
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Texte paru au JORF/LD page 9042
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Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail
NOR : CSCL9803026X
Aux termes du cinquième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ». Or la persistance d'un taux élevé du chômage, en dépit des politiques mises en oeuvre depuis une vingtaine d'années, prive d'effectivité l'objectif que le constituant a ainsi assigné aux pouvoirs publics.
Il appartenait donc à ceux-ci d'intervenir, et notamment au Parlement, dans le cadre de la compétence que l'article 34 de la Constitution lui attribue pour fixer les règles concernant les principes fondamentaux du droit du travail. Comme le Conseil constitutionnel l'a souligné dans sa décision no 83-156 DC du 28 mai 1983, il appartient ainsi au législateur « de fixer les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d'obtenir un emploi, en vue de permettre l'exercice de ce droit au plus grand nombre possible d'intéressés ».
C'est dans cette perspective, et alors qu'il apparaît que l'amélioration de la croissance ne peut suffire à réduire significativement le chômage à brève échéance, que le Gouvernement a saisi le Parlement d'un projet de loi d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail. La création d'emplois, leur sauvegarde ou leur stabilisation peuvent, en effet, être favorisées par un aménagement de la durée du travail, dont la réduction est en outre de nature à répondre aux attentes des salariés, en améliorant leurs conditions de vie et de travail.
Tel est l'objet du texte qui a été adopté le 19 mai 1998, et qui a été déféré au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés. Leur recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
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I. - Sur l'exercice de sa compétence par le législateur
A. - Tout en fixant clairement un objectif, la loi déférée n'a pas, d'emblée, défini l'ensemble des modalités permettant de l'atteindre.
Elle a entendu privilégier la négociation sociale en vue de permettre, dans chaque branche et dans chaque entreprise, la meilleure adaptation du processus de réduction du temps de travail à la diversité des situations. Elle incite à de telles négociations en fixant un cadre et en organisant un dispositif d'aide financière, d'autant plus important que les entreprises auront engagé rapidement la réduction et la réorganisation du temps de travail.
Ainsi, l'article 1er de la loi pose le principe de la réduction de la durée légale du travail et en fixe la première étape, pour les entreprises de plus de 20 salariés, au 1er janvier 2000. La seconde étape, pour l'ensemble des entreprises, est prévue au 1er janvier 2002. L'article 2 a pour objet d'inviter les organisations patronales et syndicales représentatives à négocier, d'ici au 1er janvier 2000, les modalités de réduction effective de la durée collective du travail les plus adaptées à la situation de chaque branche ou de chaque entreprise, voire de chaque établissement. Ce sera, en effet, aux négociations conduites à ces niveaux de définir le contenu que prendra concrètement la réduction du temps de travail. Ses modalités pourront être très variées, et utiliser les possibilités d'aménagement négocié du temps de travail déjà prévues par la législation.
Corrélativement, l'article 3 de la loi pose le principe d'un dispositif d'aide financière applicable aux entreprises qui négocient, avant les échéances fixées par l'article 1er, une réduction d'au moins 10 % de la durée collective du travail, en portant leur horaire collectif à 35 heures ou moins. Il en définit le champ d'application, fixe le régime du dispositif applicable aux entreprises qui s'engagent à créer des emplois, celui du dispositif tourné vers la sauvegarde de l'emploi, et précise enfin certaines dispositions qui leur sont communes.
Enfin, il est prévu qu'un bilan des négociations sur le temps de travail sera tiré au deuxième semestre de l'année 1999, en concertation avec les partenaires sociaux.
Pour contester la démarche ainsi adoptée par le législateur, les auteurs de la saisine lui font grief de méconnaître une exigence qui, selon eux, serait de nature constitutionnelle, de « clarté de la loi ». La loi aurait ainsi pour défaut de troubler les perspectives économiques et sociales, sans fournir, pour autant, d'indications certaines sur les règles qui s'appliqueront ultérieurement. Ce faisant, le Parlement aurait, selon les requérants, péché par « incompétence négative », en raison de l'imprécision qui, à leurs yeux, affecterait plusieurs dispositions : celles de l'article 2, appelant les partenaires sociaux à négocier ; celles de l'article 3 qui ne contiendraient pas les précisions que les députés saisissants auraient voulu trouver dans la loi et procéderaient, indûment, à des renvois au pouvoir réglementaire.
B. - Le Conseil constitutionnel ne pourra faire sienne cette argumentation.
A titre liminaire, le Gouvernement entend formuler les observations suivantes, s'agissant du cadre juridique au regard duquel il convient d'apprécier les mérites de ces critiques.
Contrairement à ce que soutient la saisine, le principe dégagé par la décision no 87-226 DC du 2 juin 1987 ne peut être utilement invoqué pour critiquer l'imprécision alléguée de la loi. Cette décision ne traite en effet que des exigences de loyauté et de clarté qui doivent présider à toute consultation électorale, mettant ainsi en oeuvre, dans le cas particulier d'une consultation organisée en application de l'article 53 de la Constitution, le principe de la liberté du suffrage. Tout autre est, évidemment, l'objet de la loi.
De même les requérants font-ils vainement valoir que certaines dispositions de la loi, dépourvues selon eux de valeur normative, devraient être considérées comme « inopérantes ». A supposer, en effet, que cette analyse soit exacte, les dispositions en cause ne pourraient, par définition, comme ils le reconnaissent eux-mêmes, être censurées comme contraires à la Constitution (no 82-142 DC du 27 juillet 1982).
En réalité, la seule question pertinente est celle des autorités compétentes pour assurer la mise en oeuvre des dispositions, rappelées plus haut, du cinquième alinéa du Préambule de 1946 : comme le relève la décision précitée du 28 mai 1983, ce n'est qu'au titre des « principes fondamentaux du droit du travail » qu'il appartient au législateur de définir les règles permettant d'assurer cette mise en oeuvre. En outre, celle-ci doit également tenir compte des dispositions du huitième alinéa du Préambule aux termes desquelles « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».
Il en résulte que la compétence attribuée au législateur par l'article 34 de la Constitution n'interdit pas, bien au contraire, que la détermination des modalités concrètes de mise en oeuvre des objectifs du Préambule fasse l'objet d'une concertation appropriée entre les employeurs et les salariés ou leurs organisations représentatives (en ce sens, voir les décisions no 89-257 DC du 25 juillet 1989, no 93-328 DC du 16 décembre 1993 et no 96-383 DC du 6 novembre 1996).
De même est-il constant que la limitation de la compétence du législateur en ces matières, par l'article 34 de la Constitution, à la notion de « principes fondamentaux » l'autorise à laisser au pouvoir réglementaire - en dehors des questions qui sont renvoyées à la négociation collective - une importante compétence normative.
De manière générale d'ailleurs, le Gouvernement entend souligner que le grief d'« incompétence négative » ne peut être utilement invoqué, et déboucher le cas échéant sur une censure, que lorsque le législateur est véritablement resté en deçà de la compétence que l'article 34 de la Constitution lui fait obligation d'exercer : c'est dire qu'un tel moyen est inopérant lorsque les dispositions en cause ne sont pas au nombre de celles que la Constitution range dans le domaine de la loi.
Au regard de ces principes, le Gouvernement considère qu'aucune des dispositions critiquées par les auteurs de la saisine n'encourt la censure.
1. En premier lieu, et contrairement à ce qu'ils soutiennent, aucune contradiction n'existe entre l'article 1er et l'article 9, devenu 13, du texte adopté. C'est, en particulier, à tort que les requérants indiquent que le législateur « renvoie expressément à des lois complémentaires » : au contraire, il résulte clairement de l'article 13 qu'il se borne à prévoir le dépôt d'un rapport dressant un bilan de l'application de la loi.
Il est certes exact que le Gouvernement a annoncé qu'il entendait proposer au Parlement, avant la fin de l'année 1999, un projet de loi qui permettra notamment de tirer les enseignements des négociations qui auront été conduites d'ici là.
Mais l'annonce de cette intention est évidemment sans incidence sur la constitutionnalité de la présente loi. S'agissant plus particulièrement de l'article 1er de la loi, il épuise la compétence du législateur et se suffit à lui-même pour les effets que le législateur a entendu lui donner : modifier, à champ identique au champ actuel posé par le livre II du code du travail et le code rural, la durée légale du travail, c'est-à-dire le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
2. En deuxième lieu, il convient de souligner que l'article 2 critiqué par les requérants a une signification essentielle quant à l'esprit de la loi. Il exprime clairement le souhait du législateur que la baisse effective du temps de travail se fasse concrètement par la voie de la négociation collective, que l'article 3 entend faciliter au nom de l'emploi, plutôt que par décisions unilatérales. La négociation collective est, en effet, la plus à même d'aboutir à une solution équilibrée en ce qui concerne la sauvegarde, la création et la stabilisation de l'emploi, prenant en compte les besoins de l'entreprise en matière d'organisation et d'amélioration des conditions de travail.
Il existe, au demeurant, des précédents d'incitations à négocier insérées dans un texte législatif : on peut citer, par exemple, l'article 63 II de la loi quinquennale no 93-1313 du 20 décembre 1993 qui précise que « Les organisations syndicales représentatives de salariés et les organisations représentatives d'employeurs seront invitées à négocier au niveau national et interprofessionnel les conditions et modalités d'une extension du recours aux contrats d'insertion en alternance telles que définies aux articles L. 981-1 et suivants du code du travail au profit des demandeurs d'emploi âgés de vingt-six ans et plus dans un délai de deux ans à compter de la date de promulgation de la présente loi ».
3. S'agissant en troisième lieu du dispositif d'incitation défini par l'article 3, les critiques soulevées dans la saisine ne sont pas davantage fondées.
Pour bien en mesurer la portée, il convient d'abord de souligner que, de manière générale, ni l'article 34 ni aucun principe constitutionnel ne requièrent nécessairement l'intervention du Parlement pour ouvrir à l'Etat la possibilité d'accorder des aides, primes ou subventions aux entreprises, notamment en faveur de la création d'emploi. De tels avantages ont fréquemment été institués par des décrets, comportant d'ailleurs un plus ou moins grand degré de précision quant aux conditions de leur octroi. Dans tous les cas, la mise en oeuvre de tels dispositifs se fait sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, lequel n'a jamais contesté la compétence du pouvoir réglementaire pour instituer des aides (voir en ce sens, par exemple, pour l'aide spéciale rurale instituée par un décret du 24 août 1976, CE 28 septembre 1983, SARL Almeras-Bonnemayre, Rec. p. 635 ; et, pour la prime de développement régional créée par un décret du 11 avril 1972, CE 14 décembre 1988, SA Gibert Marine, Rec. p. 444).
Il est vrai que, dans bien des cas, le législateur choisit de poser lui-même le principe d'une aide en laissant au pouvoir réglementaire le soin d'en fixer les conditions et les modalités de mise en oeuvre.
La loi no 63-1240 du 18 décembre 1963 relative au Fonds national de l'emploi en est un bon exemple. Ses dispositions instituent certaines aides et renvoient à un décret le soin de fixer les conditions d'application de la loi. Elles ont été codifiées dans le code du travail et modifiées à plusieurs reprises. Mais le législateur a toujours laissé au pouvoir réglementaire le soin de fixer les conditions d'application de la loi.
Ainsi les dispositions de l'article L. 322-1 du code du travail servent de base à celles de l'article R. 322-1 du même code instituant notamment des conventions de formation, les conventions d'aide à la mobilité.
De même les dispositions de l'article L. 322-4 instituent notamment des allocations temporaires dégressives, des allocations spéciales, des aides au passage à temps partiel, des allocations de conversion, les conditions d'application de cet article étant renvoyées à un décret en Conseil d'Etat par l'article L. 322-6 du code du travail.
De même encore, l'article L. 118-7 qui créé une indemnité compensatrice forfaitaire versée aux employeurs d'apprentis renvoie à un décret le soin de déterminer les modalités d'attribution de l'aide et de préciser les conditions dans lesquelles l'employeur est tenu de reverser à l'Etat les sommes indûment perçues (D. 118-1 à D. 118-4 du code du travail).
En l'espèce, le législateur n'est nullement resté en deçà de sa compétence en définissant les différents mécanismes d'aide qu'il a entendu instituer en faveur de la réduction de la durée du travail.
a) S'agissant des mécanismes d'aide institués par les paragraphes VII et VIII de l'article 3, le législateur est même allé au-delà.
En ce qui concerne d'abord le dispositif d'appui et de conseil aux PME défini au VII, il n'était, en effet, pas nécessaire de le prévoir dans la loi. Toutefois, le Gouvernement, faisant écho au souhait manifesté par les parlementaires, a entendu affirmer ainsi l'objectif d'apporter une aide à ces entreprises afin de favoriser le déclenchement de démarches permettant une meilleure organisation du travail et propres à améliorer l'utilisation des équipements, le service aux clients ainsi que les conditions de travail des salariés.
L'aide au diagnostic initial et à l'accompagnement de la démarche par un consultant apparaît, en effet, particulièrement utile pour des entreprises qui ne disposent pas de services étoffés pour aborder dans les meilleures conditions cette réorganisation.
En réalité, ce n'est que dans la mesure où le législateur a prévu la participation des régions que son intervention est nécessaire, au titre de la libre administration des collectivités territoriales.
A cet égard, et contrairement à ce que suggère la saisine, la précision apportée par le VII de l'article 3 n'est nullement inutile, compte tenu de l'encadrement strict dont font actuellement l'objet les aides directes accordées par les collectivités locales en la matière (voir par exemple, pour l'application des dispositions de l'article 4 de la loi du 7 janvier 1982, aujourd'hui reprises à l'article L. 1511-2 du code général des collectivités locales, CE 15 février 1993 no 73-137, région Nord - Pas-de-Calais).
En ce qui concerne le VIII de l'article 3, l'aide de l'Etat destinée aux organisations syndicales pour soutenir les actions de formation des salariés qu'elles mandatent n'avait pas à être nécessairement instituée par la loi. Mais il était important d'en prévoir le principe et d'en assurer une mise en place rapide.
Cette mesure se distingue des mécanismes de formation économique, sociale et syndicale prévus aux articles L. 452-1 et suivants du code du travail. Ce nouveau dispositif vise à faciliter la mise en place du mandatement, en soutenant les efforts que vont nécessairement devoir déployer les organisations syndicales les plus représentatives au plan national pour mettre en place des modalités particulières de formation des négociateurs salariés qu'elles vont mandater.
Cela va contribuer à garantir l'effectivité du lien entre l'organisation syndicale et les salariés mandatés ainsi que le bon déroulement des négociations. Cette démarche s'inscrit, à cet égard, dans le prolongement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui a défini, dans sa décision no 96-383 DC du 6 novembre 1996, les conditions d'exercice du mandat qui doivent être réunies pour que celui-ci s'exerce dans le respect de la vocation naturelle qui est celle des organisations syndicales en la matière.
L'aide sera accordée aux organisations syndicales représentatives au plan national qui souhaitent en bénéficier sur la base d'une convention garantissant une utilisation conforme à son objet.
b) Le législateur n'est pas non plus resté en deçà de sa compétence, bien au contraire, en définissant soigneusement les caractéristiques de l'aide à la réduction du temps de travail instituée par le VI de l'article 3.
Cette disposition a pour objet de prévoir l'octroi d'une aide financière de l'Etat aux entreprises réduisant la durée du travail avant le 1er janvier 2000 ou, pour les entreprises ne dépassant pas 20 salariés, avant le 1er janvier 2002. Pour ouvrir droit à l'aide, la réduction de la durée du travail doit être mise en oeuvre par accord collectif de travail, conclu au niveau de la branche, de l'entreprise ou de l'établissement.
Pour obtenir l'aide, l'entreprise doit réduire la durée du travail d'au moins 10 %, sans pouvoir dépasser 35 heures par semaine. L'aide est en outre subordonnée à des engagements en matière d'emploi : l'entreprise doit s'engager à embaucher ou à renoncer à licencier à hauteur de 6 % au moins de l'effectif de référence dans un délai d'un an. Elle doit par ailleurs maintenir pendant au moins deux ans l'effectif ainsi majoré.
Les montants de l'aide seront fixés par décret. Ces montants seront d'autant plus élevés que l'entreprise entrera plus rapidement dans le dispositif. Ils seront forfaitaires, et non pas proportionnels aux rémunérations, et dégressifs.
Enfin, des majorations sont prévues pour les entreprises prenant des engagements renforcés en termes d'emploi et pour les entreprises de main-d'oeuvre à bas salaires.
Mais plutôt que d'organiser un versement direct par l'Etat, il a été jugé plus simple de prévoir un mécanisme d'imputation sur les montants que l'entreprise doit verser à la sécurité sociale. Ainsi, l'aide à laquelle une entreprise aura droit viendra en déduction du montant global de ses cotisations patronales de sécurité sociale. Sa mention sur le bulletin de paie ne sera pas obligatoire.
En l'espèce, l'intervention du législateur se justifie en raison du mécanisme particulier retenu, qui revient en pratique à faire transiter l'aide de l'Etat par les organismes de sécurité sociale, ceux-ci étant corrélativement remboursés, ainsi qu'il sera précisé plus loin, dans les conditions définies par l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.
Mais le Gouvernement entend souligner que l'intervention du Parlement ne se justifie que dans cette mesure : c'est seulement parce que l'aide attribuée a ainsi une incidence sur le montant des cotisations que les régimes de sécurité sociale reçoivent des employeurs qu'il appartient au législateur d'en poser le principe, au titre des « principes fondamentaux de la sécurité sociale » que l'article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi.
La loi n'affecte en effet, directement ou indirectement, ni l'assiette des cotisations ni même le montant dû par les employeurs pour chacun de leurs salariés aux organismes de sécurité sociale. Compte tenu de la jurisprudence dégagée pour l'application de la notion de « principes fondamentaux de la sécurité sociale », elle n'avait pas à en dire plus.
Il est clair, en effet, que la compétence du législateur en la matière reste cantonnée par une jurisprudence ancienne et constante.
Sur un plan général, on peut noter, par exemple, que relèvent du domaine législatif la détermination des catégories de ressources de l'assurance maladie (CE, avis no 325.732 du 25 septembre 1979), ainsi que l'attribution aux différents organismes de sécurité sociale des ressources provenant des cotisations (CE, 17 janvier 1969, Fédération nationale des organismes de sécurité sociale, Rec. p. 26).
Sont, en revanche, de la compétence réglementaire, les modalités de transmission des fonds d'un organisme à l'autre (CE, 17 janvier 1969, précité).
En l'espèce, et dès lors que les modalités de versement de l'aide prennent la forme d'une déduction du montant global des cotisations, le dispositif est assimilable à un mécanisme d'exonération partielle. Mais au regard du partage tracé par la jurisprudence dans ce domaine particulier, la loi déférée ne saurait être censurée pour « incompétence négative ».
Il résulte en effet d'une jurisprudence ancienne que seule la définition des catégories de personnes bénéficiant ou pouvant bénéficier d'une exonération totale touche aux principes fondamentaux de la sécurité sociale et relève, par suite, de la compétence du législateur (CC, no 70-66 L 17 décembre 1970 ; CE, avis no 324-267 du 1er mars 1979). Le Conseil constitutionnel en a déduit que relève du domaine réglementaire l'exonération partielle ainsi que la définition d'un élément de condition d'une exonération totale, telle que la fixation de l'âge des bénéficiaires de l'exemption. Il a même jugé qu'une disposition établissant une exonération partielle relève du pouvoir réglementaire (CC, 17 décembre 1970 précité).
Plus récemment, le Conseil a rappelé que la Constitution attribue au pouvoir réglementaire la fixation des montants et des taux des exonérations sous la seule réserve - dont il appartient, le cas échéant, au juge de l'excès de pouvoir d'assurer le respect - de ne pas dénaturer l'objet et la portée de la loi, celle-ci pouvant se borner à prévoir le principe d'une exonération et de sa limitation (no 97-388 DC du 20 mars 1997).
Au regard de cet encadrement, on ne peut que constater qu'en insérant dans l'article 3 toutes les précisions qu'il comporte, le législateur n'est nullement resté en deçà de sa compétence.
Ainsi, les cas dans lesquels l'aide est majorée sont limitativement énumérés et définis. La loi précise en effet elle-même que peuvent prétendre à la majoration de l'aide :
- les entreprises qui souscrivent, dans le cadre de la convention conclue avec l'Etat, des engagements en termes d'emploi supérieurs au minimum obligatoire ou des engagements spécifiques en faveur de l'emploi de jeunes, de personnes reconnues handicapées et des personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion, notamment des chômeurs de longue durée ;
- les entreprises qui s'engagent à conclure avec chacun des salariés recrutés dans le cadre du dispositif un contrat à durée indéterminée ;
- les entreprises, enfin, qui satisfont à la double condition d'employer une proportion importante d'ouvriers, au sens des conventions collectives, et de salariés dont les rémunérations sont proches du salaire minimum de croissance.
Si, dans ce dernier cas, il est prévu qu'un décret déterminera les conditions de la majoration dite spécifique, cette seule circonstance, en tout état de cause, ne saurait être regardée comme un manquement du législateur à sa propre compétence, alors que ce dernier a défini la nature des conditions mises à son octroi.
S'agissant par ailleurs du contrôle, on observera qu'en matière d'aide à l'emploi, la loi n'évoque le plus souvent pas les modalités de contrôle de l'exécution de la convention ouvrant droit à l'aide ni les sanctions applicables en cas de non-respect de ses clauses. Ces modalités et ces sanctions sont prévues par décret, ou même seulement dans la convention. On peut ainsi citer, à titre d'exemples :
- pour les contrats initiative emploi, le décret no 95-925 du 19 août 1995, article 14 (résiliation de la convention et reversement de l'aide) ;
- pour les contrats emplois consolidés, le décret no 92-1076 du 2 octobre 1992, article 3 (reversement de l'aide) ;
- pour l'aide au premier emploi des jeunes, le décret no 94-281 du 11 avril 1994, article 7, alinéa 2 (reversement de l'aide) ;
- enfin, pour l'aide à l'embauche d'apprentis, l'article D. 118-4 du code du travail (reversement de l'aide).
La loi a donc pu, sans méconnaître la Constitution, renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de préciser certaines modalités d'application de ce régime d'aide, après avoir clairement pris parti sur le principe d'une réduction des cotisations et même sur la nature des critères permettant de l'attribuer, de la moduler et d'en contrôler l'utilisation.
Enfin, il convient de rappeler que la mise en oeuvre de ces dispositions se fera, comme il est de règle dans tous les cas où l'administration intervient sans que le législateur ait eu à encadrer complètement son action, dans le respect des principes qui régissent celle-ci, et sous le contrôle du juge administratif.
II. - Sur le respect des dispositions relatives
aux lois de financement de la sécurité sociale
A. - Comme il a été indiqué plus haut, l'article 3 de la loi entend favoriser la réalisation de l'objectif de réduction négociée du temps de travail en prévoyant un dispositif d'aide financière. Cette aide prendra, suivant les dispositions du VI de cet article , la forme d'une exonération partielle calculée globalement sur le montant des cotisations à la charge de l'employeur pour la période considérée au titre des assurances sociales, accidents du travail et maladies professionnelles et allocations familiales assises sur les gains et rémunérations des salariés de l'entreprise ou de l'établissement concerné.
Observant que ce dispositif aura ainsi une incidence sur les montants des recettes encaissées par les régimes de sécurité sociale, les requérants en déduisent que la loi qu'ils contestent, et qui n'a pas le caractère d'une loi de financement de la sécurité sociale, a été adoptée en méconnaissance des dispositions régissant cette catégorie de lois.
B. - Cette critique n'est pas fondée.
1. Aux termes du deuxième alinéa du II de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, issu de la loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, « seules les lois de financements peuvent modifier les dispositions prévues en vertu des 1o à 5o du I ». Le 1o du I prévoit que la loi de financement de la sécurité sociale de l'année « approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ».
Ayant à préciser la portée de ces dispositions, le Conseil constitutionnel a entendu éviter les effets qu'une interprétation trop contraignante aurait eus sur le pouvoir du législateur ordinaire. Il a donc transposé aux finances sociales sa jurisprudence issue de la décision no 78-95 DC du 27 juillet 1978 concernant les lois de finances. Le Conseil a ainsi jugé que l'exigence tirée du deuxième alinéa du II de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale fait seulement obstacle à ce que les conditions générales de l'équilibre financier définies par la loi de financement de la sécurité sociale soient compromises par des charges nouvelles résultant de textes dont les incidences sur les conditions de cet équilibre n'auraient pu être prises en compte par une loi de financement (no 97-388 DC du 20 mars 1997).
En d'autres termes, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire au législateur ou, dans le cadre de sa compétence, au Gouvernement, d'adopter des mesures pouvant avoir une incidence sur les recettes ou les dépenses des régimes de sécurité sociale : seul un texte remettant en cause de manière directe et certaine les objectifs prévus par le 1o du I de l'article LO 111-3 pourrait soulever une difficulté au regard de ces exigences, s'il n'était pas précédé d'une loi de financement rectificative ou adopté dans les formes requises pour ce type de loi.
2. Tel n'est pas le cas du texte déféré. Non seulement, en effet, il n'implique aucun bouleversement de ces objectifs, mais surtout, sa mise en oeuvre ne se traduira, en réalité, par aucune incidence sur la masse des ressources des régimes sociaux. En effet, le montant des cotisations non versées en 1998 par les employeurs bénéficiant de l'aide instituée par l'article 3 de la loi déférée sera intégralement prise en charge par le budget de l'Etat, conformément aux dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, dont la loi n'affecte nullement la portée.
La mise en oeuvre de cette aide en 1998 s'analyse donc comme un transfert d'une partie du poids des cotisations des employeurs bénéficiaires de l'aide vers l'Etat qui en assurera la prise en charge.
Ainsi, la prévision de montant de cotisations effectives, fixée par l'article 22 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 à 1 034,1 MdF et incluant notamment les prises en charge par l'Etat des cotisations non versées par les employeurs (cf. annexe C, page 13, « Les catégories de ressources ») ne sera pas affectée.
Il est vrai que, pour les années ultérieures, le Gouvernement envisage que la prise en charge par l'Etat du montant des cotisations non versées par les employeurs au titre de l'aide considérée puisse être seulement partielle, afin de tenir compte des rentrées de cotisations que l'aide à la réduction du temps de travail induira pour les régimes de sécurité sociale. Mais la loi déférée n'introduit, quant à elle, aucune modification au dispositif de remboursement intégral. Une telle modification ne pourra intervenir qu'après avoir fait l'objet d'une disposition figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, cette insertion faisant elle-même suite à une concertation avec les partenaires sociaux sur le taux et les modalités de cette compensation partielle.
Le grief manque donc en fait.
III. - Sur le respect de la liberté d'entreprise
A. - Reprenant, sous un autre angle, leurs critiques des dispositions de la loi qui fixent l'objectif de réduction du temps de travail et prévoient la mise en place de négociations au niveau des branches et des entreprises, les auteurs de la saisine estiment qu'une triple atteinte serait portée à la liberté d'entreprendre : cette liberté serait affectée par l'obligation, faite à l'employeur, de négocier et par la fixation impérative du résultat à atteindre ; elle le serait également dans la mesure où le législateur porterait ainsi atteinte à la substance des droits des employeurs en leur imposant, compte tenu de la baisse ainsi obtenue de la durée du travail, une modification de leurs modes de production ; enfin le texte serait également contestable en ce qu'il affecterait les contrats de travail et les salaires en vigueur.
B. - Cette critique ne peut être retenue.
1. En premier lieu, elle manque en fait, dès lors que la loi procède par voie d'incitation, à travers notamment le dispositif d'aide déjà évoqué : elle n'énonce, ni n'implique, aucune obligation de négocier. Elle a seulement pour objet d'inviter les partenaires sociaux à négocier les modalités d'une réduction effective de la durée du travail, en leur ouvrant la possibilité de bénéficier de plusieurs formes d'aides.
2. En deuxième lieu, rien ne vient étayer la thèse des requérants quant aux bouleversements que l'évolution encouragée par la loi induira dans l'organisation des entreprises et dans leurs modes de production.
On rappellera d'abord qu'il appartient, de manière générale, au législateur de concilier les différents principes et objectifs constitutionnels qui s'imposent à lui : dès lors que, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel, « la liberté d'entreprendre n'est ni générale, ni absolue », « il est loisible au législateur d'y apporter des limitations exigées par l'intérêt général à la condition que celles-ci n'aient pour conséquence d'en dénaturer la portée » (no 90-283 DC du 8 janvier 1991).
A fortiori ces limitations sont-elles légitimes lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre l'objectif constitutionnel du droit à l'emploi.
En l'espèce, et en tout état de cause, la loi incite les entreprises à réduire leur horaire de travail, mais ne leur impose pas de le faire : la modification de la durée légale a seulement une incidence sur l'application du régime des heures supplémentaires. Les entreprises restent libres d'organiser des durées du travail différentes de la durée légale, dans la limite des durées maximales qui demeurent inchangées.
3. En troisième lieu, on ne voit pas en quoi le fait que la nouvelle loi pourrait avoir une incidence sur les conventions collectives et les contrats de travail en vigueur serait contraire à la Constitution. A supposer, en effet, que les requérants aient ainsi entendu invoquer le principe de la liberté contractuelle, le moyen serait inopérant, dès lors que ce principe n'a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle (no 97-388 DC du 20 mars 1997).
Sans doute sa méconnaissance peut-elle néanmoins être invoquée dans le cas où elle conduirait à porter atteinte à des droits et libertés constitutionnellement garantis, et notamment à la liberté d'entreprendre ou à la liberté personnelle des salariés.
Mais il résulte de ce qui est dit ci-dessus que tel n'est pas le cas de la loi déférée. Dès lors, en effet, qu'il n'y a pas obligation de procéder à la réduction de la durée effective du travail du fait de l'application de l'article 1er de la loi, on ne peut, en tout état de cause, considérer que la loi modifie automatiquement les contrats de travail existants ou les accords collectifs.
IV. - Sur le respect du principe d'égalité
A. - L'article 1er de la loi déférée introduit dans le code du travail un nouvel article L. 212-1 bis qui définit le champ d'application des nouvelles dispositions applicables, selon les cas, au 1er janvier 2002, ou dès le 1er janvier 2000, en matière de durée du travail. Cet article renvoie, à cet égard, aux établissements et professions mentionnés à l'article L. 200-1, ce qui lui donne la portée la plus vaste. Il y ajoute en outre les établissements agricoles, artisanaux et coopératifs.
Par ailleurs, le deuxième alinéa du II de l'article 3 prévoit que l'accord collectif organisant la réduction du temps de travail dans une entreprise ou un établissement pourra prévoir des mesures particulières pour appliquer cette réduction au personnel d'encadrement.
Selon les auteurs de la saisine, le législateur aurait méconnu, à plusieurs titres, le principe constitutionnel d'égalité. Une première rupture résulterait de ce que « la charge de la lutte contre l'exclusion » pèserait ainsi sur les seules entreprises du secteur privé, cette charge étant en outre accrue pour les entreprises employant une main-d'oeuvre nombreuse. Serait, de même, contestable, eu égard aux « effets de seuil » qu'elle impliquerait, la distinction, faite par l'article 1er, entre les entreprises employant plus ou moins de 20 salariés. En outre, la différence de traitement entre les personnels cadres et les autres ne serait, selon les requérants, pas davantage justifiée. Enfin, ils estiment que la loi crée une inégalité, dont ils contestent également la pertinence, entre les salaires rémunérés au SMIC, suivant que la durée de leur travail sera réduite à 35 heures ou demeurera fixée à 39 heures.
B. - Pour sa part, le Gouvernement considère qu'aucune des dispositions contestées ne méconnaît le principe d'égalité.
1. S'agissant, en premier lieu, du champ d'application de la loi, on observera d'abord que le grief tiré de ce que les entreprises publiques en seraient exclues manque en fait. Il résulte, en effet, des termes mêmes de l'article L. 200-1 du code du travail que le dispositif s'appliquera notamment aux « établissements industriels et commerciaux et leurs dépendances, de quelque nature qu'ils soient, publics ou privés... ».
Dans la stricte continuité par rapport au droit antérieur, le nouveau régime de la durée légale sera donc applicable à une majorité d'entreprises publiques qui, n'étant pas dotées d'un statut législatif ou réglementaire pour leur personnel, relèvent du droit commun des relations du travail.
En revanche, il est exact, et en même temps logique, que ce texte ne traite pas de la question de la durée du travail dans les administrations, qui est extérieure à l'objet de la loi : les rapports entre les agents publics et l'administration ont toujours été régis par des règles différentes, qui échappent à la sphère du droit du travail. C'est donc très logiquement qu'une démarche spécifique a été annoncée pour la durée du travail dans la fonction publique. En tout état de cause, le fait qu'un texte modifiant le code du travail ne s'applique, pas davantage que ce code lui-même, à la fonction publique ne saurait évidemment s'analyser comme une méconnaissance du principe d'égalité.
2. En deuxième lieu, l'on ne saurait tirer argument de la distinction entre les entreprises employant plus ou moins de 20 salariés pour en déduire que le seuil ainsi défini contreviendrait, par ses effets, au même principe : non seulement, en effet, la notion de seuil d'effectifs est traditionnelle en droit social, mais en outre il ne s'agit ici que d'une distinction transitoire.
Au surplus, un dispositif de « lissage » est prévu. Il l'est, d'abord, à travers le renvoi, opéré par le nouvel article L. 212-1 bis, aux dispositions de l'article L. 421-1 : ainsi, la durée légale de 35 heures s'appliquera, au 1er janvier 2000, aux entreprises dont l'effectif aura dépassé 20 salariés pendant 12 mois, consécutifs ou non, ce dépassement étant apprécié sur les trois années précédentes. Il l'est ensuite en raison de la disposition du même article qui prévoit le report de l'entrée en vigueur au 1er janvier 2002 pour les entreprises qui franchiront le seuil de 20 salariés entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001.
3. En troisième lieu, les saisissants ne sont pas fondés à s'interroger, comme ils le font, sur le rapport direct avec l'objet de la loi de la différence de traitement, introduite par les dispositions du troisième alinéa du II de l'article 3, qui permettent aux accords de prévoir des dispositions particulières pour le personnel d'encadrement.
Il convient d'ailleurs de souligner que ces dispositions ne fixent aucune obligation à cet égard. Elles prévoient une simple faculté, pour tenir compte de la situation spécifique de certains cadres. Au demeurant, tous les cadres ne sont pas dans une situation identique au regard de la durée du travail, certains étant soumis à l'horaire collectif de travail alors que d'autres ne le sont pas. C'est notamment pour tenir compte de la situation particulière de ceux qui n'y sont pas soumis que la loi a ainsi donné aux partenaires la faculté de prévoir, dans l'accord collectif, des conditions particulières d'application de la réduction de la durée du travail aux cadres.
La mention explicite introduite par le législateur est pleinement en rapport avec l'objet de la loi, car elle vise à faire en sorte que les cadres participent au mouvement global de réduction des horaires, moyennant des solutions adaptées aux particularités de leur activité.
4. S'agissant enfin des critiques relatives au régime des salariés rémunérés au niveau du SMIC, on se bornera à relever qu'elles sont dépourvues de portée, dès lors que la loi contestée ne comporte à ce sujet aucune disposition.
V. - Sur le droit à la négociation collective
A. - Les auteurs de la saisine relèvent que la loi qu'ils contestent n'a pas été précédée d'une concertation des partenaires sociaux. Estimant, de manière au demeurant quelque peu contradictoire avec leur premier grief, que « le fond de la réforme est déjà arrêté ou le sera, également par voie unilatérale, par la loi prévue pour 1999 », ils se demandent si le droit constitutionnel de participation n'a pas été méconnu en l'espèce.
B. - Cette question appelle, sans aucun doute, une réponse négative.
S'il n'est pas douteux que les termes, mentionnés plus haut, du huitième alinéa du Préambule de 1946 expriment un principe constitutionnel, il est tout aussi constant que le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur, quant à sa mise en oeuvre, un large pouvoir d'appréciation. C'est seulement dans l'hypothèse où la loi priverait d'effectivité la participation des travailleurs que l'inconstitutionnalité serait constituée (no 93-328 DC du 16 décembre 1993 ; no 97-388 DC du 20 mars 1997).
Tel n'est pas le cas en l'espèce, la loi comportant au contraire, comme on l'a déjà souligné, des mesures tendant à favoriser la négociation collective en matière de réduction de la durée du travail.
Les requérants invoquent le fait que la loi n'a pas été précédée d'une concertation des partenaires sociaux. S'agissant de la concertation entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux, le Gouvernement a pris l'initiative d'une conférence nationale sur l'emploi, les salaires et la durée du travail, en octobre 1997, associant l'ensemble des partenaires sociaux, sur la base de données approfondies susceptibles non seulement d'éclairer les initiatives législatives à venir, mais aussi le dialogue entre les partenaires sociaux.
Si les saisissants entendent suggérer que l'initiative du législateur était liée en la matière par l'exigence d'une concertation, voire d'une négociation préalable entre les partenaires sociaux, ce grief ne pourrait, en tout état de cause, être accueilli au regard des compétences dévolues au Gouvernement et au Parlement.
La fixation de la durée du travail est en effet une compétence du législateur au titre des principes généraux du droit du travail. La loi modifie du reste le dispositif résultant actuellement de l'article L. 212-1 du code du travail en insérant un article L. 212-1 bis. Déjà, la loi du 21 juin 1936 avait fixé la durée légale du travail à 40 heures avant que l'ordonnance du 16 janvier 1982 ne réduise cette durée légale hebdomadaire à 39 heures.
Si l'exercice de cette compétence appartient explicitement au législateur, elle peut parfois être nourrie par des accords passés avec les partenaires sociaux. Il appartient sur cette base aux partenaires sociaux de négocier, au niveau des branches et des entreprises, les modalités de réduction et d'organisation du temps de travail.
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En définitive, le Gouvernement considère qu'aucun des griefs invoqués n'est de nature à justifier une censure du texte contesté. Aussi demande-t-il au Conseil constitutionnel de bien vouloir rejeter le recours dont il est saisi.